De 1860 à nos jours
Né à Tours en 1837, Frédéric de Sonnay fut Secrétaire du Sous-Préfet de Saint-Quentin (Aisne), puis Maire de Cravant de janvier 1878 au 12 Février 1900, jour de sa mort à « Sonnay ».
C’est à son initiative, et grâce à la fortune de son épouse, que le château subit sa 2ème tranche de modification XIXème. Il est alors profondément modifié et agrandi vers 1880 par Déhais et Bouché, entrepreneurs à Chinon, sur les plans de M. Gallois architecte :
l’aile Est se voit doublée d’une aile Ouest symétrique qui lui est accolée, à la place des anciens communs que l’on démolit, et l’ensemble de la façade Sud est alors traité dans le style néo-classique, inspiré de Cheverny, comme le fut par la suite le célèbre Moulinsart des aventures de Tintin.
Le château se compose alors de deux ailes symétriques séparées par un avant-corps central. Chaque aile est accostée par un pavillon de plan rectangulaire. Le bâtiment possède un étage carré et un étage de comble. Chaque aile comprend 4 travées régulières, chacune couverte d’un toit en pavillon en ardoise.
Tous les anciens éléments d’architecture gothique et Renaissance sont malheureusement massacrés à la pioche pour être transformés en moellons, et l’ancienne tour Ouest qui abritait au XVIIIème la « nouvelle » chapelle devient la cage d’escalier du nouveau pavillon central. La chapelle est alors transférée à l’étage côté Nord avant de disparaître avec le temps.
Ainsi la chapelle érigée en 1446 en un lieu resté flou et déplacée à moult reprises est-elle à nouveau érigée au Sud au début des années 2000, sur les bases trapézoïdales de ce qui fut vraisemblablement son emplacement primitif. Cette restitution fut initiée par Frédéric de Foucaud pour la « saint Jean d’été » de l’année 2002, en réponse au vœu pieux de sa mère, née Catherine Dehollain.
Cette recréation reçut le Prix Rossini de la meilleure restauration cultuelle du concours national de Sauvegarde du Patrimoine VMF 2002.
La création du parc, que l’on pouvait dire « à l’anglaise » au moment de sa conception, date également de cette fin du XIXe siècle. Englobant plusieurs clos de vigne appartenant jusqu’alors à différents propriétaires (Devant, Boué, Mangot, Bruneau), les parcelles sont réunies pour se fondre sous des variétés de cèdres, de séquoias, de marroniers et de pins laricio.
À la même époque, la basse cour ouverte au Sud, implantée au XVIIe entre le pied du château et la route à l’initiative des La Barre, est entièrement démolie et ses gravats sont amassés pour former des talus propices à l’implantation du parc à l’anglaise.
Et à l’Ouest du nouveau château, on érige de nouveaux communs afin de répondre à la mode du moment : une orangerie chauffée abritant de nombreux orangers, une grande écurie recevant chevaux et cabriolets et un garage avec fosse mécanique pour les premières automobiles.
La Mothe de Sonnay, qui avait été rattachée à Sonnay en 1620 (puis ré-attribuée au général de Sonnay* qui l’avait revendue à son frère), devient la partie agricole et viticole du nouveau Sonnay.
* : voir les faits de guerre du Général sous ce lien Général de Sonnay
De nombreux travaux y sont aussi menés : le verger en pente abrupte que longeait autrefois l’escalier reliant la motte castrale à la basse-cour est supprimé, et le coteau est notablement creusé afin d’implanter une nouvelle ferme composée de granges, maisons d’habitations, étables et écuries.
Et afin de donner corps au descriptif de 1770 vantant un « clos dans la plus belle exposition » donnant « des meilleurs vins rouge et blanc de Touraine », Frédéric de Sonnay plante de nouvelles vignes.
Le cru « château de Sonnay » reçoit sa première distinction avec le Concours Agricole Régional de Tours de 1873 qui lui décerne une médaille d’Or pour son vin. Cette distinction lui est confirmée par la suite au cours de l’Exposition Universelle de 1878, avec une « Mention honorable » décernée par le ministre de l’agriculture de l’époque : Pierre-Edmond Teisserenc de Bort.
Le vignoble est ensuite décimé par le phylloxéra en 1888, et l’appellation « Château de Sonnay » produite en ce XXIème siècle est issue d’une nouvelle génération de vignes plantées avec la fin des années 70 à l’initiative des actuels propriétaires.
Le 29 avril 1863, Frédéric de Sonnay épouse Xavérine-Louise Blouquier de Trélan (1840-1898). Fille du baron de Trélan, Xavérine a un frère et trois soeurs dont deux ont des alliances avec la famille Saint-Exupéry :
– Sarah-Jeanne épouse Henri de Saint-Exupéry, futur propriétaire du château d’Assay,
– et Alix (1843-1906) épouse Fernand de Saint-Exupéry, futur grand-père d’Antoine, l’aviateur et écrivain.
Né en 1833, Fernand de Saint-Exupéry a été successivement attaché au cabinet du duc de Padoue, du duc de Persigny, ministres de l’intérieur du second empire, puis sous-prefet de Florac (Lozère), de Civray (Vienne), de Bernay (Eure), de Vitré (Ille-et-Vilaine). Il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur par décret du 7 Août 1869.
Démissionnaire le 4 Septembre 1870, il prend du service pendant la campagne de 1870-1871 contre la Prusse, et se fait nommer intendant militaire au titre de l’armée auxiliaire, et envoyé dans le département de l’Orne, déjà occupé en partie par l’armée du duc de Mecklembourg.
Licencié le 13 avril 1871, pour avoir contesté la paix négociée, Fernand se retire en Touraine, chez sa belle-soeur, à Sonnay, pour une durée si indéterminée qu’ils resteront… 20 ans !
Arrivés avec 3 enfants (dont Jean, futur père d’Antoine), Fernand et Alix donneront naissance à 4 autres au cours de leur séjour.
Il s’éprend alors d’archéologie locale et arpente tant les bois de Sonnay que les landes de Cravant, en quête d’indices relevés sur des enveloppes usagées ou des papiers recyclés, reconstituant de véritables puzzles qui lui permettent de publier, notamment dans la Revue Archéologique en 1900 et dans le Bulletin de la Société Archéologique de Touraine en 1901-02, des articles sur les alignements mégalithiques de Sonnay qui font encore référence aujourd’hui.
On y lit notamment que Fernand de Saint-Exupéry (Revue archéol., 1900) avait observé dans les landes de Cravant, des amas de forme circulaire composés de cinq, dix et même trente rochers, dont « une véritable fortification semi-circulaire ayant une vingtaine de mètres de diamètre, formée par trois rangées de gros rochers mêlés, noyés dans la terre et aboutissant à un empierrement considérable en ligne droite » avec, parfois, quelques tessons romains.
Il découvre aussi que de tels blocs dressés se retrouvent en plusieurs endroits et jusqu’au-dessus de Sonnay où subsistent, écrit-il, d’autres structures parmi lesquelles des fossés et des murets qui lui font dire qu’on avait là un camp de l’Age du Fer (le «camp de Sonnay») analogue à celui de Cinais ou du camp de Brenne.
Il inventorie ainsi plusieurs lignes, dont une joignant Givré à Sonnay, avec les points importants de Château-Gaillard et de l’Enfer aux noms évocateurs… puis il évoque, au bout de cette ligne, une seconde position stratégique (ici à 101 m. d’altitude), le camp de la Pommeraye (Pomeriacum), promontoire qui prend la vallée en enfilade et surveille toutes les hauteurs des Puys (Podix), avec au-dessous, la terrasse fortifiée des « Cloux de Faye » sur laquelle aurait été implantée la motte castrale du Xème, qu’il identifie étymologiquement à « Fayer, forteresse », en invitant à comparer ce mot avec les « fiefs fayés » de la forêt de Chinon. Sur cette terrasse, continue-t-il, la Fontaine de St-Martin (peut-être fons Martis) ».
Pendant ce temps, son fils Jean devenait grand adolescent et caracolait en jeux presque coquins avec sa cousine germaine, Marie Becquet de Sonnay, et il fallut les séparer. On envoya le premier en pension au Mans d’où il partit vers un autre destin qui le fit rencontrer Marie de Fonscolombe la Mole avec qui il devait avoir 5 enfants, et on maria la seconde, Marie de Sonnay, en catastrophe, avec Henri Le Breton de Vannoise dit « le baron ».
Ainsi s’achève la boucle d’un voyage dans le temps de quelques 10 siècles.
La suite date du XXème : c’est l’une des filles de Marie, Yvonne, qui épouse Paul de Foucaud, commandant de cavalerie quittant sa Bretagne et ses fiefs par amour pour sa jeune épouse.
De leurs deux enfants, Max de Foucaud, l’aîné, épouse Catherine Dehollain, née en 1919 sur les décombres du « Chemin des Dames » où se tenait la propriété familiale de ses parents, totalement ravagée par la Grande Guerre…
Ce sont les six enfants qu’ils eurent ensemble et les 38 représentants de la génération suivante qui incarnent aujourd’hui l’avenir de Sonnay et le maintien de son cap exposé aux turbulences du vent de l’Histoire…
Sonnay fut au cours du XXème siècle abandonné à lui-même et aux herbes folles… et ce n’est qu’avec l’émergence du XXIème siècle que de nouveaux travaux de restauration furent entrepris.