De 1770 à 1860
Les Becquet du Vivier puis de Sonnay
Le 10 novembre 1770, le fief et la terre de Sonnay sont effectivement mis en vente par les héritières de la famille de La Barre, aux bons soins de Antoine Bourelart, négociant à Montreuil-Bellay… et le 25 octobre 1771, ce dernier déclare command en faveur du futur époux de la petite nièce des sœurs de La Barre : Jacques Alexandre Becquet, écuyer chinonais mais lieutenant des maréchaux de France à Montpellier, conseiller-rapporteur du point d’honneur aux bailliage, ville et ressort de Chinon en 1780, comparaissant en 1789 à l’assemblée de la noblesse de l’Anjou et pays Saumurois.
Mis à prix 10.000 livres, l’ensemble lui est adjugé pour 32.150 livres
Le descriptif du lieu est prometteur :
« La terre de Sonnay en Touraine est située sur les bords de la Vienne à un quart de lieue de la grande route de Tours à Chinon, à proximité d’une belle forêt du Roy, en belle vue, dans une position saine et agréable et dans un canton des plus fertiles de la province, et bien giboyeux.
Le château nouvellement rétabli est situé à mi-côte avec les principalles façades au midi et au levant, sur une terrasse dominante sur une belle plaine située entre la rivière de Vienne et le coteau de la forêt. »
À côté de ce bâtiment il y a une belle fuye pour des pigeons en grosse tour des plus belles du païs avec beaucoup de pigeons.
Le clos est renfermé de murs et planté pour la majeure partie en vigne et arbres fruitiers de toutes espèces ; ce clos est dans la plus belle exposition, en pente au midi, aussi donne-t-il des meilleurs vins rouge et blanc de Touraine. »
Avec cette acquisition, Jacques-Alexandre Becquet du Vivier (né en 1737 et décédé à l’âge de 87 ans en 1824) acquiert les droits de Haute, Moyenne et Basse Justice.
Puis, prenant le nom de Becquet de Sonnay, il épouse en 1775 Jeanne-Baptiste Françoise Cécile de Galichon de Courchamps (1756-1813), dame de Courchamps et de Rochemenier, en terres encore et toujours angevines.
Le même procès-verbal d’état des lieux daté de 1770 précise que « la terre de Sonnay a droit de chasse et de pesche dans toute l’étendue de son fief, droit de haute, moeynne et basse justice. Le seigneur a tous les droits acordés par la Coutume de Touraine au seigneur haut justicier, particulièrement celui de nommer un bailly, un procureur de cour, un greffier, un notaire, plusieurs procureurs postulans, des sergens et des gardes, &, &.
La messe se dit dans la chapelle du château toutes les fêtes et dimanches, le seigneur a le droit de se choisir un aumônier ; il est patron et présentateur de ladite chapelle ; il a droit de banc dans l’église paroissial de Cravant immédiatement après le seigneur de la paroisse suivant ses titres ».
Fils de Louis Charles Becquet, directeur des Postes à Chinon de 1760 à 1793 marié à Marie-Louise Courtois en 1729, elle-même fille du Sieur Jacques Courtois marié en 1705 à Anne-Marie de Mondion, dernière enfant de la branche des seigneurs du Bois, Jacques-Alexandre Becquet dit « du Vivier » s’attribue les armes de la famille Mondion, très ancienne noblesse féodale dont les origines remontent au règne d’Hugues Capet (941-996) et à ce titre montait dans les carrosses du roi, qui porte « d’argent à 2 fasces de sable et 3 roses de gueules rangées en chef » sous une couronne de marquis supportée par 2 lions (Preuves de St-Cyr).
Cette Anne-Marie de Mondion étant elle-même fille de Philippe Mondion, gendre de François de Sassay, dernier enfant de la branche des seigneurs de la Girardière, Jacques Alexandre Becquet associe les armes des Mondion et des Sassay, qui portent « de gueules à trois chevrons d’argent », pour en faire celles de Sonnay.
Prenant dès lors le nom de Becquet de Sonnay et ayant épousé Jeanne-Baptiste Françoise Cécile de Galichon de Courchamps, il accole les armes ainsi constituées à celles des Galichon de Courchamps portant « d’azur à une fasce d’or accompagnée de trois merlettes d’argent, posées deux en chef et l’autre à la pointe de l’écu », ces armes étant à leur tour associées à celles des Jousselin, du nom de jeune-fille de la mère de Cécile.
Moins fréquenté par les de la Barre que la Guéritaulde, Sonnay est alors dans un état approximatif, et lorsque Jacques-Alexandre Becquet l’achète, il lui faut s’adonner à bon nombre de travaux, tant et si bien qu’entre son achat en 1771 et son installation définitive en 1780, il modifie notamment la travée Ouest de la maison de maître, dans laquelle il fait « reconstruire » la chapelle.…
Le 12 mars 1774, « en notre palais archiépiscopal, nous, …/… Henry Marie Bernardin de Rosset de Fleury, par la miséricorde divine et la grâce du Saint Siège Apostolique, archevêque de Tours, conseiller du Roy en tous ses conseils, sur ce qui nous a été représenté que la chapelle de Sonnay, dans la paroisse de Cravant, sous l’invocation de Sainte Catherine, venait d’être nouvellement reconstruite, nous avons commis …/… Mr Breton, curé de Saint Étienne de Chinon, doyen rural, pour en faire la visite, voir le lieu où elle est bâtie (laissant supposer que le lieu précédent pouvait ne pas être le même), la manière dont elle est construite, examiner l’autel, le tableau, la croix et les chandeliers, les calice, missel, chasubles, aubes, nappes et autres choses nécessaires à la célébration des Saints Mystères ; et si elle est trouvée en règle en tout, en faire la bénédiction en observant les cérémonies prescrites par le rituel ; du tout dresser procès verbal pour être déposé à notre secrétariat, et y avoir recours au besoin. »…
Il implante alors un nouvel autel dont le tombeau exhibe fièrement une croix de Malte de marbre blanc.
Il est certes vrai que la Commanderie de L’Île-Bouchard fut vendue nationalement les 19 frimaire & 3 thermidor an II (A.D. 37-1 Q 102 et 103, P.V. 931 et 970. Biens Nationaux) et que ses meubles furent dispersés, mais l’autel de Sonnay ne peut en provenir puisque sa facture est postérieure à cette vente.
Très au fait de l’histoire de la famille de La Barre et de ses ancêtres chevaliers des ordres de Malte et de Saint-Jean-de-Jérusalem, Jacques-Alexandre Becquet de Sonnay choisit cet emblème pour honorer l’autel de sa « nouvelle chapelle ».
De son mariage avec Jeanne-Baptiste de Galichon de Courchamps, Jacques-Alexandre devait avoir plusieurs enfants dont :
Jules-Nestor Alexandre Becquet de Sonnay (1776-1813), écuyer, chef d’escadron d’artillerie, marié en 1801 à Claude-Aglaé de Simonet de Singly (1782-1859), et décédé à 37 ans (le 9 septembre 1813).
Il s’illustra notamment à la bataille de Marengo, qui vit s’opposer le 14 juin 1800 une force française commandée par le général Bonaparte, alors Premier consul, à l’armée Autrichienne sous la direction du feld-maréchal baron von Melas à Marengo, à proximité d’Alexandrie, dans le Piémont.
Cette bataille se termine par une victoire française et Alexandre Becquet s’y distingue au point d’en rapporter une relation qui fait encore référence aujourd’hui, extrêmement intéressante et parfaitement bien détaillée de la marche de l’artillerie, partie de Dijon, traversant la Suisse, le Saint-Bernard et descendant par Milan et Pavie pour participer à cette campagne.
Alexandre Becquet de Sonnay eut à son tour eut quatre enfants dont :
– Alexandre Fanny Gustave Becquet de Sonnay (1809-1847), né à Tulle le 15 octobre 1809, officier de cavalerie marié à Caroline Pécard (1816-1869), fille de Marie Taschereau (autre famille que les Taschereau des Pictières dont Charlotte-Justine épousera le baron Louis de Trélan), avec qui il aura Frédéric Becquet de Sonnay (1837-1900).
Gustave apporte à Sonnay sa 1ère tranche de modifications XIXème, en améliorant la travée Est de la maison de maître, futur billard, qu’il rend plus luxuriante avec l’adjonction de fenêtres et d’arceaux résolument « modernes » pour l’époque…
– Alfred Alexandre Cécile Becquet de Sonnay (1811-1893), général de brigade dit « le général de Sonnay », frère du précédent.
Né en 1811 à Sonnay, il fait, à ce qui s’en dit, de brillantes études au collège de La Flèche, obtient par faveur spéciale d’entrer à Saint-Cyr à l’âge de 16 ans et est promu sous-lieutenant à 18.
Impliqué dans bon nombre d’opérations militaires à l’Etranger, on le retrouve :
– lieutenant au siège d’Anvers de 1832 opposant les troupes néerlandaises à l’Armée du Nord, corps expéditionnaire envoyé par la France durant la révolution belge et commandé par le maréchal Gérard,
– chef de bataillon en Afrique du Nord et notamment en Algérie où il devient commandant des cercles de Guelma et de Philippeville, aujourd’hui Skikda,
– lieutenant-colonel en Crimée où il s’illustre par de nombreux faits d’armes dont la fameuse prise de Sébastopol qui lui valent moult décorations et promotions,
– colonel lors de la campagne d’Italie, où il se distingue encore et toujours,
– colonel toujours, en charge du 1er régiment de grenadiers de la garde impériale dans lequel le prince impérial prendra son premier grade,
– général de brigade pendant la funeste guerre de 1870 et notamment à la terrible bataille de Gravelotte qui vit voler tant d’obus qu’il en resta l’expression courante « pleuvoir comme à Gravelotte »… Emporté par son ardeur, il se retrouve au milieu d’une charge de la cavalerie prussienne et reçoit un coup de sabre à l’épaule d’une telle violence qu’il en conservera une infirmité à vie.
– fait prisonnier de guerre après la capitulation, et interné à Düsseldorf d’où il ne reviendra qu’avec la paix.
Pendant cette carrière militaire si bien remplie, il aura été nommé commandeur de la Légion d’honneur et des ordres de Sainte-Anne de Russie et du Medjidié, décoré de la médaille de Crimée, de la médaille d’Italie et de la valeur militaire de Sardaigne.
Le général est ainsi peu présent à Sonnay, si ce n’est de cœur lors de ses très nombreux échanges de correspondances avec Adolphe Pécard (frère de Caroline Pécard, épouse de son frère Gustave Becquet, dit « le frère de la femme de son frère ») à qui il confie tous ses états d’âme, décrivant la guerre vue de l’intérieur afin de mieux dévoiler les ressorts des « désinformations » du moment relayées notamment par le journal « L’Illustration »).
Voir à cette fin l’ensemble des correspondances publiées sur le site de la Société d’Histoire de Chinon Vienne & Loire (Amis du Vieux Chinon)..
C’est au général que revient le fief de Courchamps, près de Saumur, ainsi que la mothe de Sonnay qu’il revend quasi immédiatement à son frère aîné Gustave évoqué ci-dessus.